Journal 2020 extraits

Avril 2020

Samedi 11 avril — Il y a 75 ans le camp de concentration de Buchenwald était libéré. Je mis été rendu en juillet 1962 lors de notre séjour en RDA à la tête d’une délégation de jeunes communistes tourquennois. Encadré par des responsables locaux qui nous ont souligné combien la RDA souhaitait par la visite systématique en ce lieu de sa jeunesse lycéenne dénoncer et faire prendre conscience de la réalité du système de déportation nazi, nous quittâmes Weimar en début d’après midi dans un curieux petit autobus gris comme le temps muscade et frais de cette journée. J’ai déposé une gerbe de fleur devant le crématorium avec un sentiment d’être totalement hors du temps de ce qui était pour le moins inexplicable. Trois images me restent : le portail et son inscription « Jedem das seine », le monumental et somme toute dérisoire édifice du souvenir édifié par les soviétiques (le camp fut libéré par les américains), le plateau dénudé vers le sud ouest et la vallée de la Gera et d’Erfurt invisible et les reliques exposés dans un petit musée…

Dimanche 12 avril — C’est Pâques. Hier soir une voisine nous apprend la mort d’un de nos copropriétaire très âgé, monsieur L., dans une maison de retraite de Belgique qu’il avait rejoint récemment. Je crains qu’atteint du coronavirus, on n’ait pas pris soin de l’hospitaliser en raison de choix à opérer entre patients ; nous sommes en Belgique où l’euthanasie est légale dans certaines circonstances…

Lundi 13 avril — Interminable allocution du Macron, l’absence de maîtrise du réel nous confine jusqu’au 11 mai.

Mardi 14 avril — Je suis étonné que Chevènement ait trouvé la trop longue intervention du président de la république convaincante quant à la « nécessité du rassemblement et du dépassement des points de vue idéologiques » ce qui est, en somme un aveu d’impuissance et une condamnation de fait de son attitude politique antérieure. Je n’y ai pas vu ni la hauteur de vue ni l’autorité qui devrait être celle d’un chef ! Un long discours compassionnel qui ne mobilisera personne quant à la promesse d’un autre politique malgré cet aveu  » de se réinventer, moi le premier » Le peuple n’a pas à se réinventer pour accélérer le retour à notre indépendance et notre souveraineté nationale économique, sociale et culturelle. Etre chez soi certes, encore un mois, mais pas inerte.

Michel Onfray va faire paraître en juin une nouvelle revue avec des souverainistes de droite et de gauche : « Front Populaire ». Titre qu’il faut comprendre sans connotation « 1936 » mais plutôt come resucée de Front National version résistance et libération à la sauce libertaire ? Enfin c’est une bonne nouvelle pour « l’Après »…

Vendredi 17 avril — Nous nageons en pleine confusion. Les informations contradictoires alimentées par les chaines de télévision dites d’information l’alimentent. Aucune autorité n’est reconnue, c’est la faute à ce pouvoir lui-même déjà peu crédible qui ne semble rien maitriser. Les morts s’accumulent avec un pourcentage effarant dans les maisons de retraite et autres « EPHAD ». Le dernier mort en date est un chanteur compositeur de talent Daniel Bevilacqua dit Christophe dont un des concerts vu par M. et V. au colisée de Roubaix avait été une nouvelle révélation quant à sa modernité musicale. Macron avait promis un plan « Grand âge » ! (Le Monde)

Mardi 22 avril — Cette après-midi, je poursuis la lecture du livre de Michel Onfray sur Camus, texte en miroir de ce que pense le philosophe aujourd’hui, libertaire et anarchiste. On comprend mieux ses positions sur son « girondisme », sur des phénomènes comme celui des « gilets jaunes » et le rapport avec la renaissance d’un anarcho-syndicalisme. Proudhon contre Marx, Camus contre Sartre et Beauvoir…

Le confinement apporte son lot de prise position politique sur « l’après », la dernière en date (blog) et qui me touche, celle de Chevènement qui pense que Macron pourrait renouer avec un patriotisme économique et conduire un renouveau industriel français par le dépassement républicain dans un gouvernement de salut public ; profonde erreur vis-à-vis d’un président qui reste un européiste compulsif. Le dépassement républicain ne pourra se faire avec Macron ; étrange paradoxe du Ché., et du chevènementisme.

Mercredi 22 avril — Rédigé et mis en ligne ce matin un article sur Macron et Chevènement. Décidemment croire que le « chevènementisme  » puisse s’incarner dans l’actuel président est un contresens total Le projet droite-gauche de Macron n’est autre que l’organisation technique de la droite libérale et la gauche sociale libérale de ceux qui ont toujours mené la même politique de soumission mastricienne. Rien à voir avec la rupture républicaine et nationale du fameux « au dessus de la gauche et de la droite il y a la république ».

Il y a 140 ans (22 avril 1870) naissait Vladimir Illich Oulianov dit Lénine à Simbirsk, Russie. Je possède toutes ses œuvres, rien moins que 36 volumes vendus à prix bas à la librairie « progressiste » La Renaissance à Lille qui relayait les éditions de Moscou ! Seuls apparemment des syndicalistes CGT font encore référence à Lénine qui, ce n’est pas de bon ton de le dire, reste un des grands penseurs de la mise en œuvre du marxisme. J’avais dans les années 80 installé dans la bibliothèque de mon bureau l’ensemble très décoratif, un tantinet provocateur, en lieu et place de ressources pédagogiques l’ensemble des volumes reliés du plus bel effet, au grand étonnement de l’Inspecteur d’Académie en visite dont l’humour complice lui interdit toute remarque.

Samedi 25 avril — Enfin j’ai pu opérer avec succès la mise en sécurité de mon blog, opération fastidieuse où l’on a toujours crainte de perdre la totalité des données. J’apprends également que la plateforme Netflix met en ligne les plus grands films de Truffaut, occasion de revoir Antoine et Alphonse….Doisnel.

Mercredi 29 avril — Le temps suspendu du confinement, l’absence d’évènements sauf la longue répétition bavarde des médias à la langue relâchée (car c’est « compliqué » de parler correctement), nous invite à regarder ailleurs, vers un peu de notre passé et de nos engagements. Depuis trois jours à l’invitation de V. qui voudrait que j’écrive mes mémoires je recherche documents et articles sur l’évacuation de mai juin 1940, quatre-vingts ans déjà, qui m’avait conduit de Tourcoing au Touquet. J’y reviendrai. Recherche active également menée par M., de ce qui encombre les meubles à dossiers, occasion de retrouver articles et documents politiques et culturels des années 80 et le long entretien avec la rédaction de Nord Eclair les 7 et 8 mars 1980 peu avant mon départ du PCF.

A partir du 11 mai, les déplacements seront possibles dans un rayon de 100 km traçage d’un cercle à l’échelle avec pour centre mon adresse, et satisfaction que Doudeauville soit à l’intérieur donc accessible.

Jeudi 31 avril — Les piliers de la république sont de retour : Etat, communes et départements. Le retour de la circulation des citoyens se fera sera à l’aune de la situation de chaque département, vert ou rouge, l’appréciation de la rentrée à l’école dépendra de chaque commune. C’est bien sûr contraint que le gouvernement en passe par cette évidence républicaine. Quant aux « grandes » régions, aux intercommunalités et autres métropoles elles restent des espaces incertains…

Mai 2020

 Jeudi 1er mai — J’ai rarement manqué dans le passé les défilés. Leur absence aujourd’hui marque symboliquement la fin d’un monde où le mouvement ouvrier tenait le haut du pavé. A la fin des années 90 nous participions avec mon ami Miroslaw H. et quelques autres adhérents à celui de Roubaix en arborant nos badges et drapeaux du MDC, voulant tenir notre place dans la gauche que nous souhaitions reconstruire en une refondation républicaine.

Samedi 3 mai — Le relâchement de la langue est total au point qu’il devient insupportable d’écouter les nouvelles y compris sur France Culture ! Les mêmes mots, les mêmes clichés nous impactent quand ils ne nous percutent pas. Il n’y a pas un instant sans que la voix à l’intonation trainante d’un acteur social, au propos incertain, ne vienne conforter la question suggérant déjà la réponse, d’un journaliste en mal de nouveautés et qui peuple son propos d’un autoritaire effectivement masquant pour le coup le dérisoire du discours. Ajoutons l’oubli de la forme interrogative et de l’inversion du sujet : qu’en est-ce que tu viens? au lieu du simple et efficace : Quand viendras-tu ? ou encore en pire avec le doublement du verbe être « où est ce que c’est que vous partez en vacances ? C’est compliqué me dira-t-on de parler sans précipitation, de se corriger mentalement avant d’ouvrir la bouche, bref de respecter son interlocuteur ce qui est pourtant une des premières élégances.

Vendredi 8 mai — Quelques souvenirs de souvenirs de nos proches et quelques photos retrouvés au hasard du classement des dossiers que nous, M. surtout, avons entrepris, se bousculent non pas de mai 1945 mais plutôt de mai et juin 1940. L’avancée des troupes allemandes entraine les familles à « évacuer ». Arthur, mon grand père paternel et sa seconde épouse au volant de sa Citroën emmène avec eux ma mère et ses belles sœurs dans un véhicule dont les bagages retombaient régulièrement sur le dos des passagères assises à l’arrière. Direction Paris et l’ouest lointain, j’en étais ! Le « coup de faucille » de la Wehrmacht les contraignit à se tourner vers l’ouest et ils atteignirent Le Touquet entre le 15 et 20 mai où affluaient les réfugiés. Ce fut donc mon premier séjour dans cette ville de villégiature. Mes tantes se « battaient » pour conduire ma voiture d’enfant en promenade vers la digue de mer. Les soldats allemands campaient sur la plage et, le très beau temps de ce printemps 1940 aidant, ils se baignaient, ma mère détourna les yeux, ils étaient nus…Boulogne sur Mer occupé, le camp de prisonniers de Dannes ouvert… J’avais 9 mois.

Août 2020

Vendredi 21 mai — le Monde des livres reparaît en cahier ce qui marque la rentrée littéraire, certes, mais aussi de tout un chacun avec sa cohorte de bien pensants à la mode progressiste. Première crispation : l’emploi, mais ce n’est pourtant pas une nouveauté de mots féminisées, en l’occurrence écrivaine voire autrice en soulignant pour être complet que cette dernière est homosexuelle ! George Sand était donc écrivaine et autrice de « Leila »…

Mardi 25 aoûtDoudeauville ; le vieux pont en béton qui avait basculé lors de la crue de la Course en novembre dernier a été reconstruit en bois. Rien de mieux que de s’accouder au garde-corps et méditer sur l’engagement politique avant de rejoindre l’autre rive et vice-versa…

Le ci-devant ministre de l’intérieur va de nouveau quitter son mandat de maire de Tourcoing mais n’en doutons pas va conserver un œil sur la maison en installant à sa place un homme lige âgé  sans ambition et sans rayonnement particulier. Détestable pantomime qui ne trompera personne. Les quelques centaines d’électeurs (15%) qui l’ont élu sont ridiculisés.